Clause du plein emploi

(Reconquête du marché national et international)

 

A Andrew Marland,
European Patent Attorney

En espérant n’avoir pas trop mal interprété l’important savoir qu’il m’a transmis
Sans lequel l’écriture de cet article n’aurait pas été possible

 

A l’origine, le brevet tire sa force du droit divin. Comme le Pape distribue les indulgences garantissant l’accès au paradis, le Roi concède par lettres patentes les monopoles d’exploitation des technologies de son royaume aux inventeurs qu’il désigne selon son bon plaisir.

 

Moyennant quelques rhabillages, ce système juridique est maintenu après la Révolution. Les légistes révolutionnaires décident que le peuple, devenu souverain, maintient les anciennes « patentes » sous le nom de « brevets ». Par dérogation au soi-disant principe selon lequel « les idées, mêmes créatrices, sont de libre parcours », l’inventeur peut se voir reconnaître la qualité de propriétaire de ses travaux créatifs si le souverain le décide. Cette reconnaissance est subordonnée au versement de taxes de délivrance à l’office national des brevets qui bénéficie d’un monopole de publication. Toute autre diffusion, antérieure à la publication par l’office, dépossède le titulaire de ses droits sur l’invention.

 

Imposant la délivrance d’au moins un brevet dans chacun des 197 Etats souverains qui composent le monde, une protection complète est excessivement coûteuse. L’oeuvre créative, qui est protégée dans l’Etat de délivrance, n’est pas considérée comme une invention dans celui qui n’a pas perçu ses taxes. Le système contredit la déclaration universelle des droits de l’être humain qui prévoit que tout travail appartient à son auteur. Il n’est pas conforme à un Etat de droit qui doit normalement attribuer également à chacun ce qui lui revient. La majorité des inventions n’étant pas protégée, il est défavorable au financement de la Recherche & Développement (R&D).

 

Ces défauts du système de protection intellectuelle expliquent le gigantesque pillage qu’a subi le patrimoine technologique de notre pays au cours des cinquante dernières années. Avec la très large ouverture des frontières qui a suivi la fondation de l’OMC en 1994, il a été littéralement dévasté. La plupart des emplois sont partis dans des pays étrangers où le coût de la main-d'œuvre est sensiblement plus bas. Le phénomène est devenu si courant que l’Etat n’intervient pratiquement plus pour empêcher les délocalisations. Au contraire, les autorités nationales et locales soutiennent financièrement l’implantation d’investissements étrangers, sans parvenir d’ailleurs à s’entourer de garanties efficaces en matière de conservation des emplois importés.

 

A partir des leçons tirés de l’histoire de l'invention du “navigateur GPS”, le présent article propose une nouvelle approche en matière de propriété intellectuelle. Avant d’être un acte administratif, l’invention est une réalité historique. C’est la démonstration de cette réalité qui devrait donner naissance au droit de l’auteur créatif. Personne ne peut contester le droit du créateur, comme n’importe quel auteur, de décrire et revendiquer son œuvre créative dans un livre de création. Une collectivité territoriale peut en échange de services ou de subventions prendre une hypothèque sur ce livre afin d’établir un lien solide attachant la création au territoire. Cette clause d’affiliation territoriale permettra aux vallées créatrices d’assurer et défendre le plein emploi de ses moyens de production pendant toute la durée du droit concerné.

 

Le brevet ne protège que les inventions des grandes compagnies (Partie 1). Le droit d’auteur permet aux vallées créatrices de participer à la reconquête des emplois perdus (Partie 2).

 

Partie 1. Histoire d’une technologie perdue

Pendant 14 années, j’ai travaillé comme conseiller de Georges Herrmann, Président fondateur de l’Association européenne des inventeurs (1991-2005). Mon rôle est de l’assister dans sa lutte visant à protéger les droits matériels et moraux des inventeurs européens. Il m’est apparu que tous les inventeurs indépendants étaient mal protégés. Le brevet est conçu pour servir les grandes compagnies. Je suis intervenu pour tenter de protéger les droits d’une centaine de startups. C’est ainsi que j’ai conseillé un grand créateur français : Gérard de Villeroché (GdV), l’inventeur des “navigateurs GPS”.

 

GdV est issu d’une famille d’inventeurs qui compte parmi ses ancêtres Claude Chappe, le créateur du télégraphe. Il s’adonne depuis son plus jeune âge des exercices créatifs. Durant les études supérieures qu’il mène aux USA (1960-1963), il acquiert la maîtrise de la langue anglaise et une solide formation d’économiste et de pilote professionnel.

 

Après avoir assuré la responsabilité des ventes du Concorde aux Etats-Unis entre 1970 et 1975, il est désigné par la DATAR pour participer à la réindustrialisation de  la région Lorraine de 1981 à 1985. Alors qu’il conduit des investisseurs américains pour la création d’emplois dans la région de Metz, il a l’intuition du Smartguide. Lire les panneaux routiers, décrypter une carte pour trouver la mairie d’un village et conduire son automobile, tout en faisant la conversation avec les deux hommes d’affaires qui sont à la recherche d’un site industriel pour implanter une filiale en France, lui donne cette idée créative. La micro-informatique vient d’apparaître. L’écran d’un « Smartguide » pourrait lui indiquer l’itinéraire à suivre.

 

GdV achète un Apple II et une table à digitaliser. A partir de 1982, il consacre tout son temps libre à la création du Smartguide. L’université locale et des chercheurs lorrains enthousiastes travaillent avec lui à la matérialisation de son projet. Grâce au soutien que lui donne la vallée mosellane, il vectorise une carte de Metz, réalise une première maquette du Smartguide. Ses travaux se déroulent dans le secret, comme l’exige la règlementation des brevets, jusqu’au dépôt de son invention auprès de l’office des brevets. .

 

Son invention est un fait qui représente un progrès pour le monde entier. Néanmoins le système des brevets lui impose de déposer un brevet auprès de chaque Etat souverain, avec un texte traduit dans chacune des langues nationales. Ces démarches imposent des coûts prohibitifs. Seules les grandes compagnies disposent normalement des moyens financiers suffisants pour obtenir la protection de leurs inventions via ces concessions de monopole. Lorsqu’un petit laboratoire invente un nouveau médicament, il doit trouver une grande société qui accepte de le protéger et de financer les dépenses nécessaires à sa protection et sa mise sur le marché.

 

L’Institut Géographique National (IGN) adhère dès le départ à son idée de vectorisation des cartes. Les cartes de l’IGN permettent à l’écran de son véhicule d’afficher les itinéraires dans l’axe du véhicule, la voie suivie et la suivante, selon la méthode qu’il a mise au point. Le compteur kilométrique de l’automobile mesure les distances parcourues. Le gyromètre détecte les changements de direction. En cas dérive par rapport à la carte, le système informatique effectue toutes les corrections nécessaires en se recadrant grâce aux virages et aux changements de direction.

 

J’effectue plusieurs trajets dans sa voiture à Paris pour essayer le navigateur à ses côtés. Tout fonctionne parfaitement. Son système de saisie de l’adresse de destination est particulièrement ingénieux. Le Smartguide l’identifie grâce à quelques clics de l’utilisateur. Lorsque le conducteur décide de ne pas suivre l’itinéraire conseillé par le navigateur, Smartguide recalcule automatiquement le meilleur trajet conduisant à l’adresse indiquée. Tous les calculs se réalisent à grande vitesse.


En avril 1986, GdV expose au Salon international des inventions de Genève une maquette No 2 entièrement fonctionnelle. Une foule se presse sur son stand pour suivre les démonstrations. Il reçoit la médaille d’or du salon. Il poursuit la promotion de son appareil à Turin, Orlando, Berlin, Séoul, Bruxelles, Kuala Lumpur, Djeddah, Séoul et Shanghai.

  

Mais il ne parvient pas à réunir les capitaux pour financer la production en série du Smartguide et sa commercialisation. Pour couvrir les lourdes dépenses d’extension de ses brevets dans les grands pays du monde (Etats-Unis, Canada, Europe et Japon), GdV vend une part de son patrimoine familial. C’est ainsi, en mettant en danger sa cellule familiale comme le fait l’inventeur anglais de l’aspirateur Dyson à la même époque, qu’il parvient à protéger par ses brevets une part significative du marché mondial.

 

Il rencontre les grands constructeurs automobiles et les fabricants d’appareils électroniques. Ces derniers se montrent réticents sur son produit pour deux raisons principales. La première caractéristique revendiquée par le brevet est l’orientation de la carte dans l’axe du véhicule. Il s’agit d’une invention de rupture où les cartes ne sont pas présentées avec l’orientation traditionnelle du nord géographique. Ils ne croient pas aux systèmes de mesure qui permettent de localiser le véhicule sur la carte. Le Smartguide utilise des instruments de vision et de détection de mouvements pour repérer le véhicule sur son parcours. Il peut ainsi fonctionner correctement, bien avant l’arrivée des satellites qui indiquent au navigateur sa position sur la carte. Les ingénieurs ne pensent pas que ces instruments soient « industrialisables ».

 

Dans le cadre du programme Eureka, l’Europe dépense 400 millions de Francs pour financer un autre navigateur intelligent développé par  Renault, Philips et Sagem reçoivent 400 millions de Francs. Les fonds publics affectés au programme Carminat, sans véritable étude préalable du meilleur état de la technique, ne permettront pas de déboucher sur des innovations véritables. Les firmes de l’ordre établi sont contre le Smartguide, les redressements dans l’axe du véhicule et la vision du chemin parcouru. Ses recherches sont exclues du bénéfice de la manne publique.

 

Premier prototype mondial de navigation automobile

Premier prototype mondial de navigation automobile

Lorsque les satellites de positionnement sont rendus accessibles au secteur civil, les grands constructeurs se ruent sur le marché des navigateurs. Ces derniers représentent un potentiel de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Tous adoptent alors la présentation des itinéraires dans l’axe du véhicule, mais ils refusent de payer ses redevances au petit inventeur, prétextant qu’il ne s’agit pas d’une invention mais d’une évidence. La roue s’impose à nous comme une évidence indiscutable. Son invention a néanmoins demandé près de 200 000 ans de tâtonnements à l’homo-sapiens.

 

En 1996, GdV parvient à persuader Philips de conclure une licence avec lui. Conseiller du Président de l’Association européenne des inventeurs, je participe aux négociations qui se déroulent à Paris et durent toute une nuit dans les bureaux de l’ingénieur conseil français du grand fabricant néerlandais. Le directeur des brevets de la société s’est déplacé en personne depuis Eindhoven pour la négociation. Finalement, GdV parvient à obtenir quelques millions de Francs pour les contrefaçons passées et une redevance de 4 pour 1000 sur les ventes à venir.

 

La licence comporte une condition qui impose à l’inventeur de combattre en justice les contrefacteurs. Obéissant à cette clause, GdV engage des procès dans plusieurs pays contre les contrefacteurs. Ceci lui impose de nombreux déplacements à l’étranger. Il découvre alors, après les lourdes et longues procédures de délivrance de son brevet qui se sont étalées sur près d’une dizaine d’années, une seconde série d’obstacles importants. Elles concernent la défense de la propriété de son invention. Le brevet est délivré SGDG (Sans Garantie Du Gouvernement). Si son invention est contrefaite, c’est à lui que revient la charge d’engager les difficiles et coûteuses procédures judiciaires.

 

Devant les tribunaux, les contrefacteurs arguent généralement de la nullité du brevet délivré. Obtenir une décision en dernier ressort impose des procédures qui s’étalent souvent sur une décennie. Les coûts de la procédure représentent des sommes astronomiques. On estime à plusieurs centaines de milliers de dollars le coût d’un procès en contrefaçon aux Etats-Unis. Le jugement final dépend du talent du cabinet d’avocats à qui l’inventeur a confié son dossier. En général, les très bons avocats travaillent aux côtés des grandes compagnies qui sont mieux armées pour les financer.

 

Vingt années de retard sont prises aux recherches qu’il souhaite poursuivre sur l’automatisation du pilotage et la maîtrise des interactions entre automobiles. Le brevet d’une trentaine de pages, souvent mal traduites, est un document difficile à défendre. L’armada d’avocats financés par les constructeurs parvient à multiplier les audiences et à noyer les juges sous de brillantes arguties.  A force de lutte et de ténacité, GdV parvient à gagner plusieurs affaires. Il rencontre alors de nouvelles difficultés pour obtenir l’exécution du jugement et le paiement des indemnités.

 

Ces actions coûtent des sommes considérables, plusieurs fois supérieures aux coûts déjà faramineux de dépôt des brevets.  Il tente d’obtenir le soutien des pouvoirs publics. Le Président de la République est intervenu avec succès auprès du Président des Etats-Unis pour défendre l’invention du Professeur Montagnier contre le Professeur Gallo, éminent chercheur américain qui a piraté ses travaux en matière de dépistage du SIDA.  GdV a plusieurs entretiens à l’Elysée avec ses conseillers. Mais les cas de litiges sont nombreux. Le gouvernement est trop éloigné des réalités techniques pour intervenir dans ces matières. Les services de la Présidence ne peuvent être mobilisés pour chaque contrefaçon.

La contrefaçon même répétée ne dessaisit pas l’auteur de tous ses droits. L’origine de la création est un fait qui demeure. D’autres autorités devraient être désignées pour assurer la protection du patrimoine technologique de la France.

  

 Partie 2. Reconquête du patrimoine national

J’ai suivi l’histoire du Smartguide depuis plus de trente ans. Elle m’a permis de réfléchir longuement à une stratégie de reconquête. Des autorités plus proches du créateur doivent pouvoir le défendre. Le système des appellations contrôlées qui protège les produits du terroir m’a alors inspiré. Le brevet n’est qu’un instrument de preuve. Le fait demeure. C’est lui qui doit compter en dernier ressort.

 

Avec une meilleure pratique de la propriété intellectuelle, de très importantes perspectives sont ouvertes. A l’heure où les logiciels de navigation connaissent un essor foudroyant avec le développement du pilotage automatique, tous gardent l’empreinte du créateur. Par exemple, les écrans affichent tous la carte dans l’axe de la voie suivie par le véhicule. Ce sont des navigateurs Smartguide. Le fait historique de la création de GdV demeure. Il ne peut être scientifiquement nié. Aucun navigateur numérique n’a été décrit ou produit avant celui réalisé par lui.

 

GdV est l’auteur de l’œuvre créative. Il peut faire valoir les droits qui sont attachés à cette qualité. J’ai publié l’an dernier un livre à ce sujet. Peu après la parution de ce livre intitulé Le Titre souverain, je me suis rendu chez GdV pour lui en dédicacer un exemplaire. Nous avons discuté de la mise en œuvre de cette doctrine au profit du Smartguide.

 

Les enjeux sont immenses : cinq milliards de smartphones comportent une application navigation du type Smartguide. Plus d’un milliard de navigateurs se trouvent à bord des camions et automobiles. Un application pîlotage automatique Tesla coûte couramment 3000 euros l’unité. Tous, du plus simple au plus complexe, utilisent les caractéristiques originales du Smartguide.

 

Selon notre droit d’auteur, tous ces logiciels devraient disposer d’une licence de GdV et être désignés sous la dénomination choisie par lui. L’article  15-1-c du Pacte économique et social des droits de l’homme impose aux Etats signataires de protéger « les droits matériels et moraux » des auteurs de « toute production scientifique, littéraire ou artistique ». Tous les grands Etats du monde, dont les Etats-Unis, les membres de l’Union européenne, la Russie et la Chine sont liés par ce traité qu’ils ont signé.

 

Les traités de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) confirment sans aucune ambiguïté les droits revenants aux auteurs de logiciels. L’article 10 des Apdic (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) place la propriété intellectuelle des  programmes d’ordinateurs sous le régime du droit d’auteur. Il précise expressément qu’il s’agit du droit d’auteur tel que fixé par le « Traité de Berne ».

GdV détient donc sur le Smartguide des droits d’auteur à vie et, pour ses héritiers et les ayants-droits qui participent au développement de son œuvre, durant les 70 années qui suivront sa mort.

 

J’ai rédigé pour lui un Creabook. Il décrit ses travaux créatifs et revendique les caractéristiques originales de son œuvre d’une manière beaucoup plus détaillée qu’un brevet. Ces revendications concernent le nom de la création, ses logiciels, ses designs, ses architectures, ses modes d’emploi, ses premières expressions, ses méthodes de fabrication… Les annexes du Creabook permettent de détailler les descriptions, l’historique des recherches et les contributions des autres créateurs.

 

Pour plusieurs raisons, il est beaucoup plus facile à défendre sur un plan judiciaire. Il ne vise pas seulement à établir la nouveauté de l’invention. Il réunit toute une série de documents prouvant l’originalité des travaux et la qualité d’auteur du créateur. Le Creabook renverse la charge de la preuve. Dans une affaire judiciaire, la tâche des avocats du créateur est fortement simplifiée. En revanche, les avocats du contrefacteur doivent prouver que les preuves de l’autorat de la création sont fausses et qu’une autre personne avant GvD a réalisé les mêmes travaux créatifs. Dans aucun des nombreux procès, qu’a connu GdV dans le passé, de telles preuves n’ont été avancées.

 

Nous avons horodaté ce livre et l’avons enregistré à la Société mondiale des Créateurs (SmC). GdV va solliciter la Société mondiale des Créateurs (SmC) afin que ce titre de création bénéficie des trois phases de certification prévues par le Standard universel de la propriété intellectuelle (conformité, valeur économique et originalité). Après la certification d’originalité attribuée par un jury composé des meilleurs spécialistes mondiaux, son Creabook deviendra un Titre souverain[1]. Il ne s’agit pas, comme pour le brevet, d’un simple examen mené à l’aide d’un moteur de recherche par le fonctionnaire d’un office, qui donne finalement lieu à la délivrance d’un avis sans aucune garantie de la véracité des éléments contenus par le document (SGDV). Le Creabook est examiné en détail selon la procédure fixée par le Standard qui s’inspire des grands prix internationaux (Nobel, Fields et Pritzker). Les examinateurs ne se livrent pas seulement à des recherches sur Internet ; ce sont les experts mondiaux du secteur.

 

Une soutenance orale clôt les échanges écrits, comme pour les Doctorats d’université.

 

Lors d’une procédure judiciaire, le juge dispose ainsi par avance d’une expertise technique complète menée par des spécialistes de haut niveau pour fonder sa décision. Pour remettre le titre en question, le contradicteur devra apporter d’une part des preuves contraires particulièrement démonstratives et aussi proposer une nouvelle équipe d’experts de niveau équivalent pour remettre en question les analyses précédentes de leurs confrères.

 

Avec ces certificats, le Creabook devient un titre souverain de propriété intellectuelle. Il est dit souverain parce que l’authenticité de l’expression créative est certifiée selon une procédure supérieure à toutes celles actuellement en vigueur [1]. GdV est alors armé pour mobiliser et coordonner les travaux  d’amélioration continue du Smartguide que lui et son équipe se proposent de conduire. Comme pour beaucoup de créations, le Smartguide peut être constamment amélioré. Une recherche mieux coordonnée et mieux partagée permettra d’améliorer l’orientation, l’étendue et la rapidité de ces améliorations.

 

Nous prévoyons de fonder dans la Vallée de la Moselle à Metz une Créapole[2], sous la forme d’une ODA (Organisation Décentralisée Autonome), pour financer les travaux de Recherche & Développement, fédérer toutes les entreprises du monde produisant ces logiciels et échanger les meilleures pratiques mondiales en matière de sécurité, d’ergonomie et de pilotage automatique des véhicules. Nous pensons que la Créapole emploiera rapidement plusieurs centaines de personnes pour réaliser les travaux de sa compétence.

 

Nous passerons une convention avec la Vallée créatrice de la Moselle pour fixer l’implantation territoriale de cette Créapole et défendre ensemble les droits du créateur. Défendre ses emplois, ses entreprises et le patrimoine de leur vallée est une mission naturelle des collectivités locales.

 

Le territoire et le créateur ne seront pas les seuls à tirer profit de cette clause d’affiliation. Tout le monde est gagnant : les doubles emplois de la recherche sont limités et cette dernière est coordonnée au niveau international, donc beaucoup plus efficace ; ses résultats sont partagés entre tous les participants grâce à des licences croisées ; l’humanité tire avantage de progrès plus rapides, d’un accroissement des interdépendances pacifiques, d’une meilleure sécurité juridique et des engagements éthiques. D’autres Créapoles verront sans doute le jour dans la région.

Le logo du Smartguide

Le logo du Smartguide

 

En nous fondant sur le droit moral du créateur, nous sommes en train de rédiger une charte éthique qui s’imposera à tous les utilisateurs du SmartGuide. Cette charte permet en particulier de coordonner une R&D mondiale pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et améliorer la sécurité automobile.

 

Le modèle de stratégie de reconquête fondé sur la clause d’affiliation au territoire peut être implémenté pour de nombreuses autres créations françaises (logiciels fondamentaux de l’Internet, ARN messager …). D’une manière générale, la clause d’affiliation territoriale devrait être utilisée à l’avenir à pour tous les programmes dans lesquels des financements publics sont alloués à la R&D des entreprises. Une lettre ouverte, accompagnée d’un contrat de mise en oeuvre de cette clause, a été publiée sur le site de Lianapress à l’intention des collectivités locales et des incubateurs.

 

Ainsi les retours sur investissement du programme Smart Specialisation Strategy, pour lesquels plus de 20 milliards d’euros ont été dépensés par l’UE entre 2014-2020[3], seront mieux garantis. Leur effet d’entraînement sur l’épargne privée sera sans doute considérable car, les fuites de créations étant mieux prévenues, les conditions d’amortissement des investissements seront sensiblement améliorées. Il en va de même pour les gigantesques fonds publics alloués aux entreprises par les autorités pour la relance post-covid. La clause peut aussi servir à fixer de manière efficace les créations réalisées en France grâce à des recherches d’entreprises étrangères financées par des fonds publics.

 

La collectivité locale de la vallée créatrice qui finance le développement de la R&D impose à l’entreprise bénéficiaire d’écrire et de tenir à jour un livre de création.  Ce livre est enregistré chez un notaire. Par la clause d’affiliation territoriale, la collectivité prend une hypothèque sur ce livre et la propriété de la création qu’il décrit et revendique.  Cette clause détermine les conditions de localisation de l’exploitation de la création par l’entreprise. En cas de violation du contrat, la collectivité devient propriétaire de la création. Elle peut la revendre à une autre entreprise suivant les règles des marchés publics tout en conservant son hypothèque. En cas de contrefaçon, elle possède un intérêt à agir tant en France qu’à l’étranger. Elle peut solliciter tous les services de l’Etat, en particulier les ambassades, pour défendre les droits des créateurs.

 

Conclusion

Un homme a eu l’idée d’établir un premier lien juridique étroit entre la marque, le savoir-faire, le produit et le territoire. Vigneron à Châteauneuf-du-Pape, le baron Le Roy a créé dans les années 1920 les vins d’« Appellation d’Origine Contrôlée ». C’est ainsi que les vignerons français d’un territoire ont pu se grouper, protéger les éléments créatifs de leur savoir et donner à leurs produits une valeur mondiale.

Sans cette affiliation territoriale, les vins français n’occuperaient sans doute pas la place unique qui est la leur aujourd’hui.

 

Avec la généralisation de la clause dans tous les domaines de la création, les savoir-faire des auteurs se trouvent protégés et peuvent prospérer dans les vallées créatrices grâce à la défense juridique conjointe qui est organisée. Les créations peuvent ainsi survivre et prospérer face à la concurrence d’autres espaces économiques ayant des coûts de main-d’œuvre beaucoup plus réduits. Des prix adaptés permettent d’amortir leur R&D, de développer continuellement les améliorations et d’accroitre en permanence l’avantage qualité de leurs produits.

 

La clause d’affiliation est un contrat social que passe l’entreprise avec le territoire. Elle engage, par hypothèque assise sur le Creabook, le titulaire des droits à garder son centre de R&D sur le territoire et à assumer les responsabilités éthiques et sociétales qui lui reviennent en tant que gardien de la création. Le territoire facilite l’amorce de la création, favorise les moyens d’environnement et s’engage à défendre à perpétuité les droits moraux des auteurs. La vallée d’origine d’une startup a intérêt à défendre celle-ci et à l’aider à devenir rapidement une Licorne. Elle bénéficie alors d’un retour sur investissement en termes d’impôts, d’emplois et de rayonnement. Ces mécanismes stabilisateurs sont intéressants pour tout investissement, y compris ceux en provenance de l’étranger.

 

La R&D reçoit ainsi la protection nécessaire à son amortissement. Elle constitue un placement attractif pour l’investissement privé. L’imagination étant sans limite, l’investissement créatif ne rencontre plus qu’un seul plafond : le plein emploi.

 

Pour que le pillage de la R&D cesse et que le plein emploi soit assuré, il faut réformer la pratique de la propriété intellectuelle et imposer partout où cela est possible la clause d’affiliation des créations aux territoires qui leur ont donné le jour[4].

 

 



NOTES

[1] La procédure d’examen des brevets est sujette à caution. Dans l’histoire, les cas d’appropriations frauduleuses sont importants et nombreux. Pour plus de détails voir les analyses publiées dans l’ouvrage édité par la SmC en 2021 (Le Titre Souverain).

[2] Cette structure est aussi décrite par le livre précité.

[3] Study on prioritisation in Smart Specialisation Strategies in the EU.

[4] Souloumiac (A), Le titre souverain, SmC 2021

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